Maison Lac : « le goût, la justesse, la simplicité dans le sens noble du terme »

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Rencontre avec Pascal Lac, co-gérant de Maison Lac, entreprise niçoise emblématique de la haute chocolaterie française, fraîchement labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV). À travers trente ans d’histoire, l’entreprise spécialisée dans la pâtisserie et la chocolaterie, qui dispose de cinq boutiques dans les Alpes-Maritimes, a su conjuguer exigence artisanale, croissance maîtrisée et innovation.

© Marc Laurin

Maison Lac fête ses 30 ans cette année. Quelle est la genèse cette aventure ?

Pascal Lac : Tout a commencé en 1995, lorsque mon père a acheté une pâtisserie à Beaulieusur- Mer. Il a démarré avec ma mère et son premier salarié, Stéphane, qui fête d’ailleurs ses trente ans de maison cette année : une belle fidélité ! Très vite, il souhaite aller plus loin et, en 2001, il rachète une boutique à Nice, Au Nid des Friandises. Après quelques travaux, le vrai tournant intervient en 2003 avec la refonte complète du lieu : un projet mené avec un architecte pour offrir une boutique sur-mesure, aux codes esthétiques clairs et identifiables.

Vous avez ensuite centralisé la production à La Trinité, au Nord-Est de Nice ?

P. L. : Oui, à partir de 2006. Nous manquions de place à Beaulieu-sur-Mer, et une opportunité s’est présentée : un laboratoire de 500 m² à La Trinité, toujours dans les Alpes-Maritimes. Nous y avons centralisé l’ensemble de la production, pâtisserie et chocolaterie comprises. La même année, nous avons vendu la boutique historique de Beaulieu. Cette rationalisation a permis d’asseoir notre développement et d’ouvrir progressivement de nouvelles boutiques à Nice et ses alentours, toujours en maîtrisant notre qualité et nos volumes.

Comment s’est construite la stratégie d’expansion de Maison Lac ?

P. L. : Par opportunités, mais toujours avec cohérence. En 2007, nous rachetons une petite boutique, puis, en 2012, une adresse dans le Vieux-Nice, anciennement une fromagerie. Cette même année, les Galeries Lafayette Gourmet nous sollicitent pour un corner de 30 m²: un vrai levier de visibilité et de notoriété. En 2018, nous rachetons le local voisin du laboratoire et lançons un vaste projet : chocolaterie, boutique et atelier de torréfaction du cacao. Ce chantier a duré plus d’un an, mais c’était essentiel pour aller plus loin dans la maîtrise de nos fabrications.

Vous êtes l’une des rares maisons de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur à transformer vous-même vos fèves de cacao. Pourquoi ce choix ?

P. L. : Il s’agit d’une conviction. Transformer le cacao de la fève à la tablette, c’est renouer avec le geste originel du chocolatier. Peu d’artisans le font encore en France, et encore moins dans le Sud. Nous travaillons avec des fèves sourcées auprès de planteurs d’Amérique du Sud, mais aussi du Vietnam, de Sao Tomé, de Madagascar, du Cameroun ou encore des Philippines. Nous collaborons avec deux ou trois sourceurs qui connaissent leurs planteurs et garantissent la qualité à la fois éthique et organoleptique des fèves. Nous produisons aujourd’hui plus de 30 tonnes de chocolat par an, pour nos besoins internes en chocolaterie, en pâtisserie et en B2B.

Vous venez d’obtenir le label « Entreprise du Patrimoine Vivant ». Que représente-t-il pour vous ?

P. L. : Il correspond parfaitement à notre ADN. Le dossier a été monté sur un an, avec un audit externe, des visites, un rapport et un passage face à une nationale. Obtenir l’avis favorable du préfet, c’est avant tout une reconnaissance du travail accompli depuis 30 ans. Le label valorise nos savoir-faire, tout étant fait maison, à l’exception des marrons glacés, et notre démarche constante d’amélioration. Dans un monde d’images et de réseaux sociaux, rester exigeant et authentique est un vrai défi. Ce label, c’est une preuve tangible de cette exigence.

Quels sont aujourd’hui les principaux défis pour un artisan chocolatier comme vous ?

P. L. : L’approvisionnement, sans hésiter. Nous subissons de plein fouet la flambée des prix des matières premières. Le prix des fèves de cacao a atteint celui du chocolat fini d’il y a deux ans ! Le prix du beurre de cacao a été multiplié par sept ou huit. Idem pour la noisette, dont le prix a doublé en un an et demi. Cela exige un énorme travail de sourcing et d’adaptation : nous devons ajuster certaines recettes, sans jamais sacrifier la qualité.

Comment maintenez-vous votre ADN face à ces évolutions ?

P. L. : En restant fidèles à ce qui fait notre force : le goût, la justesse, la simplicité dans le sens noble du terme. Faire simple, c’est souvent le plus compliqué. Nos créations se veulent franches, lisibles : un praliné qui a du caractère, un gâteau au chocolat parfaitement équilibré, un dessert désucré mais toujours gourmand. Nous désucrons naturellement en travaillant avec des chocolats à pourcentage plus élevé, mais sans jamais perdre le plaisir, la texture et la couleur.

© Marc Laurin